L’autre jour, le fils d’une amie s’est lancé une mission cruciale : préparer une « soupe magique » pour sa poupée. En douce, il avait piqué quelques feuilles de tomate sur le balcon. Panique à bord. « Il faut appeler le centre antipoison ? Il va être malade ? » m’a demandé sa mère, les mains tremblantes, en posant la poupée encore pleine de chlorophylle dans l’évier.
Et tu sais quoi ? Cette question m’a trotté dans la tête toute la journée. Parce que toi comme moi, si tu cultives quelques tomates sur ton balcon, ta terrasse ou même dans un coin de jardin chez tes beaux-parents, tu t’es sûrement déjà demandé : est-ce que c’est dangereux si quelqu’un touche ou grignote une feuille de tomate ?
Spoiler : oui, c’est toxique. Mais non, ce n’est pas un drame à la moindre feuille mâchouillée.
Dans cet article, je vais t’expliquer simplement – à la lumière de données scientifiques – ce que contiennent vraiment ces fameuses feuilles, à partir de quand ça devient risqué et comment rester serein tout en jardinant avec des enfants autour.
Pourquoi les feuilles de tomate sont-elles toxiques ?
Sur mes balcons, dès que les tomates commencent à grimper, les feuilles attirent autant de curiosité que les fruits. « On peut les manger ? » me demande-t-on parfois. La réponse est simple : non, car elles renferment des composés chimiques que la plante produit pour se défendre.
Tomatine et solanine : deux molécules à connaître
Les feuilles de tomate contiennent principalement deux substances dites « glycoalcaloïdes » : la tomatine et la solanine.
Ce sont des composés naturellement produits par la plante. Leur but ? Repousser les insectes, freiner les maladies, dissuader les prédateurs. En clair : ce sont des agents de défense. Et si ça agit sur les insectes, ça agit aussi, à des doses suffisantes, sur nous.
Ces molécules se trouvent :
- en forte concentration dans les feuilles et les tiges,
- dans les fruits verts (pas mûrs),
- mais quasiment plus dans les fruits bien mûrs – c’est d’ailleurs ce qui rend les tomates comestibles une fois rouges (ou jaunes, selon les variétés).
On peut donc dire que tout ce qui est vert sur une tomate est potentiellement toxique, à des degrés divers.
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Quels sont les symptômes d’une intoxication ?
D’après le centre antipoisons belge, les symptômes d’une intoxication à la feuille de tomate apparaissent en général entre 2 et 20 heures après l’ingestion1. Les plus fréquents :
- Troubles digestifs : nausées, douleurs abdominales, vomissements, diarrhées.
- Effets secondaires possibles : vertiges, maux de tête, crampes intestinales, salivation excessive.
Chez l’enfant, ces symptômes peuvent être plus rapides à apparaître, mais ils restent généralement modérés en cas d’ingestion accidentelle de très petites quantités.
Toxicité des feuilles de tomates : à partir de quand est-ce vraiment dangereux ?
Ok, les feuilles de tomate sont toxiques. Mais concrètement, est-ce qu’il faut courir aux urgences si un enfant en mâchouille une ou si une feuille tombe dans un bouillon ? C’est là que la science nous aide à sortir du flou.
Ce que disent les chiffres
Selon les données toxicologiques disponibles, il faudrait consommer environ 450 grammes de feuilles de tomate pour provoquer une intoxication chez un adulte2. C’est énorme. Personne ne mange une demi-assiette de feuilles de tomate par erreur.
Le seuil de toxicité varie en fonction du poids et de la concentration de glycoalcaloïdes dans la plante. Les estimations les plus sérieuses indiquent :
- 2 à 5 mg de glycoalcaloïdes par kilo de poids corporel → symptômes légers à modérés ;
- au-delà de 6 mg/kg → risque de toxicité sévère (voire potentiellement mortelle).
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Et chez les enfants ?
Pour un enfant, le risque est théoriquement plus élevé, car le seuil de toxicité est atteint plus vite. Un petit corps = moins de marge. Mais là encore, il faut relativiser : les cas d’intoxication sérieuse par des feuilles de tomate sont extrêmement rares. Le plus fréquent, c’est une petite feuille croquée par curiosité… et recrachée dans la foulée.
À noter : le corps a un mécanisme de défense assez efficace : le vomissement réflexe. Quand une dose trop importante est ingérée, l’organisme réagit très vite, ce qui limite l’absorption de la toxine.
Non, la cuisson ne rend pas les feuilles comestibles
C’est une idée reçue qui circule pas mal, même chez certains jardiniers expérimentés : “Tu sais, une fois cuit, ça ne risque plus rien.” Eh bien… si. Malheureusement.
Un mythe tenace : “ça part à la cuisson”
Il y a cette croyance que la chaleur détruirait toutes les substances toxiques contenues dans les feuilles de tomate. Un peu comme on le fait pour certaines légumineuses ou pour les champignons crus.
Mais ici, les faits scientifiques sont clairs :
→ la tomatine et la solanine résistent à la cuisson.
Que ce soit à l’eau bouillante, en infusion, à la vapeur ou même en friture, ces composés restent actifs. Ils ne se dégradent pas aux températures habituelles de cuisson domestique. Autrement dit, même après 30 minutes à feu doux, une feuille de tomate reste toxique.
Ce que ça signifie concrètement en cuisine
On ne devrait jamais :
- faire infuser les feuilles pour une tisane « originale »,
- les ajouter à un bouillon « zéro déchet »,
- ni les utiliser comme herbes aromatiques, aussi jolies soient-elles.
Pour résumer : Les feuilles de tomates, on les laisse tranquilles. C’est simple, clair et ça évite les expérimentations culinaires dangereuses.
Comment éviter que les enfants mangent les feuilles de tomate par accident ?
Expliquer simplement que les feuilles de tomate ne se mangent pas
L’essentiel, c’est la pédagogie. Dis à ton enfant que “dans le plant de tomate, on ne mange que le fruit”. C’est une règle facile à retenir, qui fonctionne aussi pour les aubergines ou les pommes de terre.
Évite aussi de laisser traîner des feuilles fraîchement coupées : elles peuvent facilement être prises pour de la salade par des petites mains imaginatives.
Mettre en place des repères visuels pour les plus jeunes
Un système de code couleur (vert = ok / rouge = interdit) sur les bacs ou les étiquettes fonctionne très bien, surtout pour les enfants entre 3 et 7 ans. En procédant ainsi, tu les impliques tout en les protégeant.
Et si un enfant a goûté une feuille ?
- Pas de panique : une toute petite quantité ne suffit pas à intoxiquer.
- Reste à l’écoute des éventuels symptômes.
- En cas de doute : un appel au centre antipoison te rassurera rapidement.
Faut-il se protéger pour manipuler les feuilles de tomate dans son potager ou sur son balcon ?
Tu tailles tes tomates à mains nues ? Tu peux continuer. Manipuler les feuilles n’est pas dangereux… à condition de respecter quelques précautions simples.
Le contact avec les feuilles de tomate n’est pas dangereux pour la peau
Tu peux toucher les feuilles sans problème : pas de brûlure, pas d’irritation toxique, sauf dans de très rares cas d’allergie cutanée. La plupart des jardiniers (moi compris) les manipulent à mains nues sans souci.
Par contre, pense à te laver les mains après avoir effeuillé ou taillé. Pas à cause d’une « contamination », mais simplement pour éviter de porter des résidus amers à la bouche ou aux yeux.
Peut-on mettre les feuilles de tomate au compost ?
Oui, sans problème. Les glycoalcaloïdes comme la tomatine se dégradent naturellement dans le compost, sous l’action des micro-organismes. Il n’y a pas de risque de « polluer » le sol ou d’intoxiquer des plantations.
⚠️ À ne pas confondre avec des feuilles malades (ex. : mildiou), qu’il vaut mieux exclure du compost pour éviter de conserver les spores l’année suivante.
Les feuilles de tomate sont toxiques, mais pourraient-elles avoir des bienfaits médicinaux ?
Quand on parle de toxicité, on pense souvent danger. Mais dans le monde végétal, ce qui est toxique n’est pas toujours inutile. C’est exactement ce que suggèrent les dernières recherches sur les feuilles de tomate.
Les composés des feuilles de tomate ont un effet antimicrobien puissant
Des études en laboratoire ont montré que certains extraits de feuilles de tomate – en particulier ceux contenant de la tomatine – possèdent une activité antiparasitaire remarquable. Ces substances ont été testées sur des protozoaires, des micro-organismes pathogènes responsables de maladies chez l’homme et les animaux. Résultat : jusqu’à 99 % d’inhibition de leur développement, avec des doses infimes.
Ce niveau d’efficacité à très faible concentration (IC₅₀ entre 0,01 et 0,02 %) témoigne d’un potentiel thérapeutique réel. Et c’est bien cette puissance qui explique, paradoxalement, pourquoi ces composés sont aussi toxiques pour l’humain s’ils sont mal utilisés.
Un potentiel thérapeutique en recherche… mais pas en usage domestique
Certes, des pistes intéressantes se dessinent : la tomatine pourrait être étudiée dans le traitement de certaines infections comme la trichomonose, ou servir de base pour des solutions désinfectantes d’origine végétale. Mais tout cela reste au stade de la recherche fondamentale.
Et surtout, rien – absolument rien – ne justifie d’utiliser soi-même les feuilles de tomate à la maison, même sous forme de décoction ou de lotion. Leur efficacité, en contexte contrôlé, n’a aucune valeur d’usage en automédication, et les risques d’intoxication restent bien réels.